St Ephrem commente l'évangile de ce dimanche

St Ephrem commente l'évangile de ce dimanche
St Ephrem 306-373
L’Eucharistie, un don grand et gratuit
Au désert, notre Seigneur a multiplié le pain (Mt 14, 13-21 ; Mt 15, 32-38 ; Jn 6, 1-13), et à Cana il a changé l’eau en vin (Jn 2, 1-11). Il a habitué ainsi la bouche de ses disciples à son pain et à son vin, jusqu’au moment où il leur donnerait son corps et son sang. Il leur a fait goûter un pain et un vin de transition pour susciter en eux le désir de son corps et de son sang vivifiant. Il leur a donné ces petites choses généreusement, pour qu’ils sachent que son don suprême serait gratuit. Il les leur a données gratuitement, bien qu’ils auraient pu les lui acheter, afin qu’ils sachent qu’on ne leur demanderait pas de payer une chose inestimable : en effet, s’ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils n’auraient certainement pas pu payer son corps et son sang.
Non seulement il nous a comblés gratuitement de ses dons, mais encore il nous a traités avec affection. Car il nous a donné ces petites choses gratuitement pour nous attirer, afin que nous venions à lui et recevions gratuitement ce bien si grand qu’est l’Eucharistie. Ces petites portions de pain et de vin qu’il a données étaient douces en bouche, mais le don de son corps et de son sang est utile à l’esprit. Il nous a attirés par ces aliments agréables au palais afin de nous entraîner vers ce qui donne la vie à nos âmes. Il a caché la douceur du vin qu’il avait fait, afin de montrer aux convives quel trésor magnifique est caché dans son sang vivificateur.
Comme premier signe, il fit un vin réjouissant pour les convives afin de montrer que son sang réjouirait toutes les nations. Le vin intervient dans toutes les joies imaginables, et de même toutes les délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il donna aux convives un vin excellent qui transforma leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur cœur. Ce qui n’était d’abord que de l’eau fut changé en vin dans les amphores ; c’était le symbole du premier commandement amené à la perfection ; l’eau transformée, c’était la loi perfectionnée. Les convives buvaient ce qui avait été de l’eau, mais sans goûter l’eau. De même, lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur nouvelle. Au précepte : «Gifle pour gifle» (cf. Ex 21,24 Lv 24,20 Dt 19,21), a été substituée la perfection : «À celui qui te frappe, présente l’autre joue» (Mt 5,39).
L’œuvre du Seigneur atteint tout ; en un clin d’œil, il a multiplié un peu de pain. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l’ont fait en un instant. Ses mains furent comme une terre sous le pain ; et sa parole comme le tonnerre au-dessus de lui ; le murmure de ses lèvres se répandit sur lui comme une rosée et le souffle de sa bouche fut comme le soleil; en un très court instant il a mené à bout ce qui demande normalement toute une longue heure. De la petite quantité de pain est née une multitude de pains ; comme lors de la première bénédiction : «Soyez féconds, et multipliez-vous» (Gn 1,28). Les morceaux ont fructifié par sa bénédiction, à la manière de femmes auparavant stériles et privées d’enfants, et des fragments multiples en sont provenus.
Le Seigneur a démontré la vigueur pénétrante de sa parole à ceux qui l’exécutaient, et la rapidité avec laquelle il octroyait ses dons à ceux qui en bénéficiaient. Il n’a pas multiplié le pain autant qu’il l’aurait pu, mais jusqu’à la mesure suffisante pour les convives. Ce n’est pas sa puissance qui a mesuré son miracle, mais la faim des affamés. Si, en effet, le miracle avait été mesuré à la puissance, il serait impossible d’évaluer la victoire de celle-ci. Mesuré à la faim de milliers de gens, le miracle a dépassé les douze corbeilles (Mt 14,20). Chez tous les artisans, la puissance est inférieure au désir des clients ; ils ne peuvent pas faire tout ce que demandent leurs clients. Les réalisations de Dieu, au contraire, surpassent les désirs. Et il est dit : « Rassemblez les morceaux, de manière qu’absolument rien ne périsse » (Jn 6,12) pour qu’on ne pense pas que le Seigneur n’a agi qu’en imagination. Mais, lorsque les restes auront été conservés un jour ou deux, ils croiront que le Seigneur a agi en vérité, et que ce ne fut pas une vision inconsistante.

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