Homélie II sur Lazare
Le texte complet est disponible ici.
J’ai admiré votre charité, lorsque tout récemment je parlais de Lazare; je l’ai admirée en vous voyant d’une part applaudir à la résignation du pauvre Lazare, et de l’autre détester la cruauté inhumaine du riche: voilà des indices non équivoques d’une -âme généreuse. En effet., alors même que nous ne pratiquerions pas la vertu, nous arriverons certainement à la pratiquer, si nous savons l’estimer et la louer; et lors même que nous ne fuirions pas le vice, nous arriverons certainement à le fuir, si nous savons le blâmer. Donc, puisque vous avez accueilli mes paroles avec ces dispositions excellentes, je vais vous expliquer le reste de la parabole. Naguère, vous avez vu Lazare à la porte du riche, aujourd’hui voyez-le dans le sein d’Abraham ; vous l’avez vu entouré et léché par les chiens, voyez-le escorté par les anges; naguère vous l’avez vu dans la pauvreté, voyez-le dans les délices; vous l’avez vu souffrant la faim, voyez-le dans l’abondance de toutes choses; vous avez vu ses combats, voyez sa couronne ; vous avez vu ses travaux, voyez sa récompense ; voyez-le, riches et pauvres : riches , afin que vous n’estimiez pas trop la richesse sans la vertu ; pauvres , afin que vous ne regardiez pas la pauvreté comme un mal : aux uns comme aux autres, Lazare donne une grande leçon. Si Lazare a enduré sa misère sans irritation, quelle indulgence mériteront ceux qui s’irritent au sein de l’opulence ? S’il rendit grâces à Dieu dans la faim et dans tous les maux qui l’affligeaient, quelle excuse allégueront ceux qui dans leur abondance ne veulent pas s’acquitter de ce devoir ? Enfin quel pardon obtiendront-ils, ces pauvres qui s’impatientent et se révoltent à cause de leur pauvreté, tandis que Lazare, traînant sa vie à la porte du riche dans la faim, dans la misère, dans l’abandon, dans une maladie qui ne le quitte pas, Lazare méprisé de tout le monde, Lazare ne pouvant voir personne qui partageât ses souffrances, Lazare nous apparaît si parfaitement sage et résigné ?
Apprenons de lui à ne pas regarder tous les riches comme heureux, et tous les pauvres comme malheureux. Bien plus, s’il faut dire la vérité, le vrai riche n’est pas celui qui a (473) beaucoup amassé, mais celui qui n’éprouve pas le besoin de beaucoup de choses; le vrai pauvre n’est pas celui qui ne possède rien, mais celui qui convoite tout: telle est la définition de la pauvreté et de l’opulence. Si donc vous voyez quelqu’un convoiter beaucoup, tenez-le pour le plus pauvre des hommes, alors même qu’il posséderait les richesses de l’univers; si vous voyez quelqu’un ne pas être sujet au besoin de mille et mille choses, tenez-le pour le plus opulent des hommes, alors même qu’il ne posséderait rien. C’est par les dispositions de l’esprit, et non par l’étendue des biens qu’il convient d’apprécier la pauvreté et l’opulence.
Si quelqu’un était dévoré d’une soif inextinguible nous ne dirions pas qu’il se porte bien, quand même il vivrait dans l’abondance, quand même il serait entouré de fleuves et de fontaines (à quoi servirait en effet cette affluence d’eau, si la soif ne peut pas être apaisée?). Appliquons ce raisonnement aux riches. N’allons pas croire que ces gens, qui sont toujours dévorés par une insatiable convoitise, qui ont toujours soif des biens d’autrui, jouissent d’une parfaite santé d’âme ni d’une abondance réelle ! Celui qui ne peut mettre un terme à ses désirs, pourrait-il jamais jouir en repos, alors même qu’il parviendrait à s’entourer de toutes les jouissances? Ceux au contraire qui savent dire c’est assez qui se contentent de leur propre sort, qui ne sont pas à regarder d’un œil d’envie la prospérité d’autrui, ceux-là doivent se considérer comme les plus opulents des hommes, alors même qu’ils seraient dans la plus complète indigence. Le plus riche mortel est en effet celui qui, n’éprouvant pas le désir d’avoir ce qui appartient à un autre, se tient pour satisfait de ce qu’il possède lui-même. Mais revenons, s’il vous plaît, au sujet que nous avons entrepris : Il arriva, dit l’Évangéliste, que Lazare mourut et qu’il fut emporté par les anges. (Luc, XV1, 22.)
Ici, je veux guérir vos âmes d’une funeste maladie : beaucoup de gens simples s’imaginent que les âmes de ceux qui périssent de mort violente deviennent des démons.
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J’ai admiré votre charité, lorsque tout récemment je parlais de Lazare; je l’ai admirée en vous voyant d’une part applaudir à la résignation du pauvre Lazare, et de l’autre détester la cruauté inhumaine du riche: voilà des indices non équivoques d’une -âme généreuse. En effet., alors même que nous ne pratiquerions pas la vertu, nous arriverons certainement à la pratiquer, si nous savons l’estimer et la louer; et lors même que nous ne fuirions pas le vice, nous arriverons certainement à le fuir, si nous savons le blâmer. Donc, puisque vous avez accueilli mes paroles avec ces dispositions excellentes, je vais vous expliquer le reste de la parabole. Naguère, vous avez vu Lazare à la porte du riche, aujourd’hui voyez-le dans le sein d’Abraham ; vous l’avez vu entouré et léché par les chiens, voyez-le escorté par les anges; naguère vous l’avez vu dans la pauvreté, voyez-le dans les délices; vous l’avez vu souffrant la faim, voyez-le dans l’abondance de toutes choses; vous avez vu ses combats, voyez sa couronne ; vous avez vu ses travaux, voyez sa récompense ; voyez-le, riches et pauvres : riches , afin que vous n’estimiez pas trop la richesse sans la vertu ; pauvres , afin que vous ne regardiez pas la pauvreté comme un mal : aux uns comme aux autres, Lazare donne une grande leçon. Si Lazare a enduré sa misère sans irritation, quelle indulgence mériteront ceux qui s’irritent au sein de l’opulence ? S’il rendit grâces à Dieu dans la faim et dans tous les maux qui l’affligeaient, quelle excuse allégueront ceux qui dans leur abondance ne veulent pas s’acquitter de ce devoir ? Enfin quel pardon obtiendront-ils, ces pauvres qui s’impatientent et se révoltent à cause de leur pauvreté, tandis que Lazare, traînant sa vie à la porte du riche dans la faim, dans la misère, dans l’abandon, dans une maladie qui ne le quitte pas, Lazare méprisé de tout le monde, Lazare ne pouvant voir personne qui partageât ses souffrances, Lazare nous apparaît si parfaitement sage et résigné ?
Apprenons de lui à ne pas regarder tous les riches comme heureux, et tous les pauvres comme malheureux. Bien plus, s’il faut dire la vérité, le vrai riche n’est pas celui qui a (473) beaucoup amassé, mais celui qui n’éprouve pas le besoin de beaucoup de choses; le vrai pauvre n’est pas celui qui ne possède rien, mais celui qui convoite tout: telle est la définition de la pauvreté et de l’opulence. Si donc vous voyez quelqu’un convoiter beaucoup, tenez-le pour le plus pauvre des hommes, alors même qu’il posséderait les richesses de l’univers; si vous voyez quelqu’un ne pas être sujet au besoin de mille et mille choses, tenez-le pour le plus opulent des hommes, alors même qu’il ne posséderait rien. C’est par les dispositions de l’esprit, et non par l’étendue des biens qu’il convient d’apprécier la pauvreté et l’opulence.
Si quelqu’un était dévoré d’une soif inextinguible nous ne dirions pas qu’il se porte bien, quand même il vivrait dans l’abondance, quand même il serait entouré de fleuves et de fontaines (à quoi servirait en effet cette affluence d’eau, si la soif ne peut pas être apaisée?). Appliquons ce raisonnement aux riches. N’allons pas croire que ces gens, qui sont toujours dévorés par une insatiable convoitise, qui ont toujours soif des biens d’autrui, jouissent d’une parfaite santé d’âme ni d’une abondance réelle ! Celui qui ne peut mettre un terme à ses désirs, pourrait-il jamais jouir en repos, alors même qu’il parviendrait à s’entourer de toutes les jouissances? Ceux au contraire qui savent dire c’est assez qui se contentent de leur propre sort, qui ne sont pas à regarder d’un œil d’envie la prospérité d’autrui, ceux-là doivent se considérer comme les plus opulents des hommes, alors même qu’ils seraient dans la plus complète indigence. Le plus riche mortel est en effet celui qui, n’éprouvant pas le désir d’avoir ce qui appartient à un autre, se tient pour satisfait de ce qu’il possède lui-même. Mais revenons, s’il vous plaît, au sujet que nous avons entrepris : Il arriva, dit l’Évangéliste, que Lazare mourut et qu’il fut emporté par les anges. (Luc, XV1, 22.)
Ici, je veux guérir vos âmes d’une funeste maladie : beaucoup de gens simples s’imaginent que les âmes de ceux qui périssent de mort violente deviennent des démons.