Une petite remarque préliminaire avant d'entrer dans le texte : Luc nous a bien dit qu'il s'agit d'une parabole... n'imaginons donc pas tous les pharisiens ni tous les publicains du temps de Jésus comme ceux qu'il nous présente ici ; aucun pharisien, aucun publicain ne correspondait exactement à ce signalement ; Jésus, en fait, nous décrit deux attitudes différentes, très typées, schématisées, pour faire ressortir la morale de l'histoire ; et il veut nous faire réfléchir sur notre propre attitude : nous allons découvrir probablement que nous adoptons l'une ou l'autre suivant les jours.
Venons-en à la parabole elle-même : dimanche dernier, Luc nous avait déjà donné un enseignement sur la prière ; la parabole de la veuve affrontée à un juge cynique nous apprenait qu'il faut prier sans jamais nous décourager ; aujourd'hui, c'est un publicain qui nous est donné en exemple ; quel rapport, dira-t-on, entre un publicain, riche probablement, et une veuve pauvre ? Ce n'est certainement pas le compte en banque qui est en question ici, ce sont les dispositions du cœur : la veuve est pauvre et elle est obligée de s'abaisser à quémander auprès du juge qui s'en moque éperdument ; le publicain, lui, en a peut-être plein les poches, mais sa mauvaise réputation est une autre sorte de pauvreté.
Les publicains étaient mal vus et pour certains d’entre eux, au moins, il y avait de quoi : n’oublions pas qu’on était en période d’occupation ; les publicains étaient au service de l’occupant : c’étaient des « collaborateurs » ; de plus, ils servaient le pouvoir romain sur un point très sensible chez tous les citoyens du monde, et à toutes les époques : les impôts. Le pouvoir romain fixait la somme qu’il exigeait et les publicains la versaient d’avance ; ensuite, ils avaient pleins pouvoirs pour se rembourser sur leurs concitoyens... les mauvaises langues prétendaient qu’ils se remboursaient plus que largement. Quand Zachée promettra à Jésus de rembourser au quadruple ceux qu’il a lésés, c’est clair ! Donc quand le publicain, dans sa prière, n’ose même pas lever les yeux au ciel et se frappe la poitrine en disant « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » il ne dit peut-être que la stricte vérité. Apparemment, ne dire que la stricte vérité, être simplement vrai devant Dieu, c’est cela et cela seulement qui nous est demandé. Etre vrai devant Dieu, reconnaître notre précarité, voilà la vraie prière. Quand il repartit chez lui, « il était devenu juste », nous dit Jésus.
Les pharisiens, au contraire, méritaient largement leur bonne réputation : leur fidélité scrupuleuse à la Loi, leur ascèse pour certains (jeûner deux fois par semaine, ce n’est pas rien et la Loi n’en demandait pas tant !), la pratique régulière de l’aumône traduisaient assez leur désir de plaire à Dieu. Et tout ce que le pharisien de la parabole dit dans sa prière est certainement vrai : il n’invente rien ; seulement voilà, en fait, ce n’est pas une prière : c’est une contemplation de lui-même, et une contemplation satisfaite ; il n’a besoin de rien, il ne prie pas, il se regarde. Il fait le compte de ses mérites et il en a beaucoup. Or nous avons souvent découvert dans la Bible que Dieu ne raisonne pas comme nous en termes de mérites : son amour est totalement gratuit. Il suffit que nous attendions tout de lui.
On peut imaginer un journaliste à la sortie du Temple avec un micro à la main ; il demande à chacun des deux ses impressions : Monsieur le publicain, vous attendiez quelque chose de Dieu en venant au Temple ? - OUI... - Vous avez reçu ce que vous attendiez ? - Oui et plus encore- répondra le publicain. - Et vous Monsieur le Pharisien ? - Non je n’ai rien reçu.-... Un petit silence et le pharisien ajoute : Mais... je n’attendais rien non plus.
La dernière phrase du texte dit quelque chose du même ordre : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » : il ne faut certainement pas déduire de cette phrase que Jésus veuille nous présenter Dieu comme le distributeur de bons ou de mauvais points, le surveillant général de notre enfance, dont on avait tout avantage à être bien vu. Ici, tout simplement, Jésus fait un constat, mais un constat très profond : il nous révèle une vérité très importante de notre vie. S’élever, c’est se croire plus grand qu’on est ; dans cette parabole, c’est le cas du pharisien : et il se voit en toute bonne foi comme quelqu’un de très bien ; cela lui permet de regarder de haut tous les autres, et en particulier ce publicain peu recommandable. Luc le dit bien : « Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ». Cela peut nous arriver à tous, mais justement, c’est là l’erreur : celui qui s’élève, qui se croit supérieur, perd toute chance de profiter de la richesse des autres ; vis à vis de Dieu, aussi, son cœur est fermé : Dieu ne forcera pas la porte, il respecte trop notre liberté ; et donc nous repartirons comme nous sommes venus, avec notre justice à nous qui n’a apparemment rien à voir avec celle de Dieu. Cela veut dire que le mépris pour les autres, quels qu’ils soient, nous met en grand danger ! Le mépris nous rabaisse, en somme.
S’abaisser, c’est se reconnaître tout petit, ce qui n’est que la pure vérité, et donc trouver les autres supérieurs ; Paul dit dans l’une de ses lettres « considérez tous les autres comme supérieurs à vous-mêmes » ; c’est vrai, sans chercher bien loin, tous ceux que nous rencontrons ont une supériorité sur nous, au moins sur un point... et si nous cherchons un peu, nous découvrons bien d’autres points. Et nous voilà capables de nous émerveiller de leur richesse et de puiser dedans ; vis-à-vis de Dieu, aussi, notre cœur s’ouvre et Il peut nous combler. Pas besoin d’être complexés : si on se sait tout petit, pas brillant, c’est là que la grande aventure avec Dieu peut commencer. Au fond, cette parabole est une superbe mise en images de la première béatitude : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ».
Venons-en à la parabole elle-même : dimanche dernier, Luc nous avait déjà donné un enseignement sur la prière ; la parabole de la veuve affrontée à un juge cynique nous apprenait qu'il faut prier sans jamais nous décourager ; aujourd'hui, c'est un publicain qui nous est donné en exemple ; quel rapport, dira-t-on, entre un publicain, riche probablement, et une veuve pauvre ? Ce n'est certainement pas le compte en banque qui est en question ici, ce sont les dispositions du cœur : la veuve est pauvre et elle est obligée de s'abaisser à quémander auprès du juge qui s'en moque éperdument ; le publicain, lui, en a peut-être plein les poches, mais sa mauvaise réputation est une autre sorte de pauvreté.
Les publicains étaient mal vus et pour certains d’entre eux, au moins, il y avait de quoi : n’oublions pas qu’on était en période d’occupation ; les publicains étaient au service de l’occupant : c’étaient des « collaborateurs » ; de plus, ils servaient le pouvoir romain sur un point très sensible chez tous les citoyens du monde, et à toutes les époques : les impôts. Le pouvoir romain fixait la somme qu’il exigeait et les publicains la versaient d’avance ; ensuite, ils avaient pleins pouvoirs pour se rembourser sur leurs concitoyens... les mauvaises langues prétendaient qu’ils se remboursaient plus que largement. Quand Zachée promettra à Jésus de rembourser au quadruple ceux qu’il a lésés, c’est clair ! Donc quand le publicain, dans sa prière, n’ose même pas lever les yeux au ciel et se frappe la poitrine en disant « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » il ne dit peut-être que la stricte vérité. Apparemment, ne dire que la stricte vérité, être simplement vrai devant Dieu, c’est cela et cela seulement qui nous est demandé. Etre vrai devant Dieu, reconnaître notre précarité, voilà la vraie prière. Quand il repartit chez lui, « il était devenu juste », nous dit Jésus.
Les pharisiens, au contraire, méritaient largement leur bonne réputation : leur fidélité scrupuleuse à la Loi, leur ascèse pour certains (jeûner deux fois par semaine, ce n’est pas rien et la Loi n’en demandait pas tant !), la pratique régulière de l’aumône traduisaient assez leur désir de plaire à Dieu. Et tout ce que le pharisien de la parabole dit dans sa prière est certainement vrai : il n’invente rien ; seulement voilà, en fait, ce n’est pas une prière : c’est une contemplation de lui-même, et une contemplation satisfaite ; il n’a besoin de rien, il ne prie pas, il se regarde. Il fait le compte de ses mérites et il en a beaucoup. Or nous avons souvent découvert dans la Bible que Dieu ne raisonne pas comme nous en termes de mérites : son amour est totalement gratuit. Il suffit que nous attendions tout de lui.
On peut imaginer un journaliste à la sortie du Temple avec un micro à la main ; il demande à chacun des deux ses impressions : Monsieur le publicain, vous attendiez quelque chose de Dieu en venant au Temple ? - OUI... - Vous avez reçu ce que vous attendiez ? - Oui et plus encore- répondra le publicain. - Et vous Monsieur le Pharisien ? - Non je n’ai rien reçu.-... Un petit silence et le pharisien ajoute : Mais... je n’attendais rien non plus.
La dernière phrase du texte dit quelque chose du même ordre : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » : il ne faut certainement pas déduire de cette phrase que Jésus veuille nous présenter Dieu comme le distributeur de bons ou de mauvais points, le surveillant général de notre enfance, dont on avait tout avantage à être bien vu. Ici, tout simplement, Jésus fait un constat, mais un constat très profond : il nous révèle une vérité très importante de notre vie. S’élever, c’est se croire plus grand qu’on est ; dans cette parabole, c’est le cas du pharisien : et il se voit en toute bonne foi comme quelqu’un de très bien ; cela lui permet de regarder de haut tous les autres, et en particulier ce publicain peu recommandable. Luc le dit bien : « Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ». Cela peut nous arriver à tous, mais justement, c’est là l’erreur : celui qui s’élève, qui se croit supérieur, perd toute chance de profiter de la richesse des autres ; vis à vis de Dieu, aussi, son cœur est fermé : Dieu ne forcera pas la porte, il respecte trop notre liberté ; et donc nous repartirons comme nous sommes venus, avec notre justice à nous qui n’a apparemment rien à voir avec celle de Dieu. Cela veut dire que le mépris pour les autres, quels qu’ils soient, nous met en grand danger ! Le mépris nous rabaisse, en somme.
S’abaisser, c’est se reconnaître tout petit, ce qui n’est que la pure vérité, et donc trouver les autres supérieurs ; Paul dit dans l’une de ses lettres « considérez tous les autres comme supérieurs à vous-mêmes » ; c’est vrai, sans chercher bien loin, tous ceux que nous rencontrons ont une supériorité sur nous, au moins sur un point... et si nous cherchons un peu, nous découvrons bien d’autres points. Et nous voilà capables de nous émerveiller de leur richesse et de puiser dedans ; vis-à-vis de Dieu, aussi, notre cœur s’ouvre et Il peut nous combler. Pas besoin d’être complexés : si on se sait tout petit, pas brillant, c’est là que la grande aventure avec Dieu peut commencer. Au fond, cette parabole est une superbe mise en images de la première béatitude : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ».