NÉS POUR L’ÉTONNEMENT
Combien la vie nous paraît soudain proche et simple,
Insaisissable et précieuse,
En cette commune fragilité !
Ce que beaucoup d’entre nous endurent souvent seuls,
Dans l’ignorance du grand nombre,
Cette intensité menacée par le destin, l’accident, la maladie,
Ce souffle en nos poitrines aussi léger qu’une flamme,
Cette lampe fragile,
Voici que, tout à coup, nous l’éprouvons ensemble,
Les plus forts conviés à prendre soin des plus faibles.
Ce temps de reflux,
À quoi l’occuperons-nous ?
Nous laisserons-nous arracher,
Ne serait-ce que par clairières inattendues,
À la pesanteur des jours,
À leurs mille éclats dispersés,
Nous laissant saisir par la parole et par le chant
Frayant encore en nous un chemin ?
Et si le silence qui, malgré nous, s’accomplit, au fond, nous contenait ?
Si, même à distance,
Nous étions soudain plus proches les uns des autres que nous ne l’avons jamais été,
Comme d’un secret pour lequel nous fûmes mis au monde !
Arpentons, immobiles, les chemins de notre vie,
Empruntons ceux par lesquels nous ne sommes encore jamais passés !
Laissons au plus lointain ce qui lui reviendra en son temps
Pour nous tenir au plus près de ce que nous sommes,
Nés, ici et maintenant, pour l’étonnement,
Emportés pour de bon par l’orchestre de l’instant,
Confiés à l’émerveillement de vivre !
Jean Lavoué, 18 mars 2020